Le nord de la Patagonie
Le nord de la Patagonie c'est d'abord la grande île de Chiloé, île douce et calme, aux traditions vivaces, aux légendes inquiétantes où ont vécus les derniers fidèles à la cour d'Espagne avant leur annexion par le Chili. Aujourd'hui Chiloé devient une région touristique et de villégiature, ce qui reste relatif et loin des critères européens. Au sud de Chiloé, la densité de population s'effondre soudainement, les îles se font plus nombreuses et se regroupent, s'accolent et tentent de se réchauffer mutuellement devant les assauts du vent et la griffe des nuages. La mer se répand en canaux, le ciel se répand en ondées, le vent n'est pas encore celui du "monde du bout du monde", ce n'est déjà plus celui des hommes civilisés. Le sol se fait éponge, les arbres se flagellent, se tordent, se nouent, supplient et finissent par s'effondrer le corps rongé par l'humidité. Mais il existent encore quelques jours où le soleil lance un rayon jusqu'au sol et quelques hommes oubliés des autres ou d'eux-mêmes qui rendent à ces montagnes marines un peu de chaleur. |
8/12/2000 - Nous quittons Puerto Montt pour gagner Castro sur Chiloe, en musardant dans quelques petits coins bien sympathique comme les îles Mechuque, où une grande ballade à pied nous fait découvrir le village de maisons de bois, construites sur pilotis en bord de l'eau. Il n'y a pas de routes, pas de voitures, et les chemins souvent boueux amènent à utiliser des traîneaux de bois tirés par les animaux pour tous les transports.
Carte de Chiloe |
15/12/2000 - C'est l'arrivée de Téthys après un long vol depuis Tahiti, l'île de pâque, Santiago, Puerto Montt, puis 4 heures de bus pour rejoindre Castro sur Chiloé.
Castro µest célèbre pour son église de bois et ses "palafitos", les maisons de pêcheurs aux couleurs vives, construites sur pilotis sur le bord du canal. Dernières courses et navigations aux grès des vents légers qui nous accompagnent dans nos sinuations canalesques vers le sud de Chiloé. Estero Paillad, où nous achèterons un saumon fumé dans une ferme isolée. ... Puis vient le temps de traverser le golfe de Corcovado pour atteindre les abords du continent et le vrai début de la Patagonie sauvage.
Histoire de pêcheurs de palourdes |
Nous passerons Noël aux îles TicTocµ en compagnie des phoques et des pingouins Magellans (des manchots en fait), le temps de laisser passer une tempête à l'abris puis de mettre le cap vers le sud ouest. Rencontre autours du poële avec des pêcheurs de praires en attente de la fin de la tempête.
Isla Valverde, rencontre inatendue avec un voilier remontant du sud, Vague à Bond, de plus un Trisbal comme Gandalf, s'ensuit une soirée bien sympa et un échange de tuyaux sur nos routes respectives.
Aguire µ: une petite île au milieu des canaux avec un village d'environ 1500 habitants. On y vit essentiellement de la pêche, les coquillages autrefois, le congrio (congre plus fin que celui d'Europe) aujourd'hui.
Mais la marée rouge à tué l'activité des coquillages et les quotas limitent à quelques jours par mois la pêche aux congres. Celle-ci est cependant suffisamment lucrative pour autoriser le désœuvrement le reste du temps. La deuxième activité à Aguire semble être la boisson!
Carte de la région d'Aisen |
Caleta Jacqueline, du nom d'une des soeurs Dardé (Maris Stella) qui sont passées ici bien avant nous, superbe abris avec un gros torrent qui se jette en cascade dans le mouillage, et Téthys profite d'un rayon de soleil pour prendre un bain (chaud) dans une grande bassine dans le cockpitt.
Caleta des Arbores Espectrales, et c'est bien l'impressions que donnent ces arbres tordus de tous leurs membres, figés dans d'affreux rictus. Première tentative réussie de pêche aux Jaivas (tourteaux) au moyen du casier.
Puerto Queisahuen,µ du port il ne reste que le nom, par contre ce mouillage abritait il y a 5 ans encore le fonctionnement d'une exploitation forestière qui semble avoir été abandonnée du jour au lendemain, il reste les deux antiques machines à vapeur pour actionner les scies, les tas de planches qui semblent avoir été fraîchement découpées, et les chemins de bois pour amener les billes jusqu'à l'usine. A puerto Queisahuen nous partageons aussi le maté avec le dernier habitant, le vieux qui garde une propriété et un troupeau de 300 vaches, plus ou moins semées dans la montagne pour un propriétaire d'Aysen, mais là c'est la dernière fois, la solitude lui pèse trop, la prochaine fois il rentrera définitivement dans sa petite maison à Aysen et trouvera bien un petit job, enfin nous l'espérons pour lui.
Laguna San Raphael, µc'est après un parcours sinueux que nous atteignons ce lac d'eau saumâtre où se déverse un superbe glacier. La lagune est parsemée d'icebergs et des éclaircies naissent et nous offrent tous les jeux de lumière possibles à travers la glace, c'est du grand art, sublime. Nous avons bien sûr droit à boire enfin notre whisky avec des glaçons!
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Punta Tortuga, µune salmonera est installée ici sur le bord du Seno Aysen, elle a la particularité de posséder des terres sur lesquelles il y a des sources chaudes. La société propriétaire y à aménagé un chemin d'accès sur des passerelles de bois et des bassins bien entretenus à des températures différentes, depuis le trop froid centigrades jusqu'à intenable farenheit. Le pied. En plus après avoir bien sympathisé avec le responsable local, celui-ci nous offre trois saumons et un sac de crabes! C'est parti pour les conserves (ce qui veut dire des heures de décorticage).
Chacabuco, au bout du seno Aysen, où un autre voilier est en attente d'équipage, il s'agit d'Enez avec qui nous passerons de bon moments. Il est malheureusement temps pour Téthys de regagner Tahiti, et pour nous l'heure venue de rejoindre Puerto Natales dans le sud où nous avons rendez-vous avec Anne.
Départ de Chacabuco au moteur jusqu'au moment, où celui-ci s'étant arrêté de lui même, en soulevant le capot nous avons soudainement réalisé que :
Bref après avoir vidé ce qui restait du 2ème extincteur, nous avons eu le plaisir de finir cette journée à la bonne vieille méthode du yachting à voile, et moyennant quelques heures de nettoyage et rafistolage des fils électriques fondus de refaire marcher tout ça, le feu ayant été provoqué par un court-circuit.
Lendemain, départ au moteur jusqu'au moment, où celui-ci s'étant arrêté de lui même, en soulevant le capot nous avons soudainement réalisé que :
Bref après avoir vidé ce qui restait du 2ème extincteur, vu que ça n'avait plus aucun rapport avec le problème, nous avons eu le plaisir de finir cette journée à la bonne vieille méthode du yachting à voile, et moyennant quelques heures de nettoyage et rafistolage d'une durite d'huile qui avait souffert du premier épisode, coup de bol ça a remarché.
Hé bien savez-vous, il n'y a pas de troisième épisode! incroyable non?
La mer. Pour rejoindre la partie sud de la Patagonie, il n'y a pas de canal, il nous est indispensable de faire un petit tour en mer, contourner le cap Raper et pénétrer dans le golfe de Penas et rejoindre les canaux du sud. Pour cela il faut attendre une dépression pour bénéficier des vents de nord favorables. En fait nous n'aurons pas à attendre, dès le lendemain de notre arrivée à la caleta Canaveral, la situation est propice et nous testons nos estomacs désamarinés avec un vent qui nous poussent de ses 35 à 45 nœuds et nous fait penser que la navigation entre les terres est quand même bien plus confortable.
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Golfe de Penas |
Région de Puerto Eden |
Seno Iceberg, µavec un nom comme ça, il y a forcément de la glace quelque part! Un super glacier nous attend et un mouillage magnifique au pied d'une énorme cascade avec vue sur les glaçons que vents et courants tiennent heureusement à distance. On est loin de tout, pourtant un troupeau de vache rumine dans une vallée suspendue et vu l'état de la cabane du berger on espère pour lui qu'il ne passe pas beaucoup de temps ici.
Puerto Eden, µou un coin d'paradis pour un coin d'parapluie. Plus personne ne se souvient ici d'où peut lui venir son nom à ce petit village de 270 habitants. Une île d'un km2 au milieu d'un canal, au milieu de la Patagonie, au milieu de l'eau, celle qui coule dans les bras de mer, celle qui ruisselle sur l'éponge qui tient lieu de sol, celle qui tombe du ciel et qui n'est ni bénite ni maudite, juste inéluctable, une île au milieu de nulle part. Il y a quelques années encore il y avait la pêche aux coquillages et quatre fois plus de monde, c'était un peu moins nulle part, mais la marée rouge est arrivée et depuis il ne reste plus grand chose à faire à l'enfer des mollusques empoisonnés. Puerto Eden c'est aussi un point stratégique au milieu du canal qui permet aux cargos de relier le sud au nord, à l'abri des tempêtes du Pacifique sud, et le gouvernement chilien investi sur ce bout de terre pour y garder quelques âmes. On peut ainsi trouver une passerelle de planches qui relie toutes les maisons et fournit une promenade bien agréable à l'écart de la boue, quelques magasins subventionnés et gérés par des fonctionnaires qui apportent du sang neuf, le téléphone par satellite et l'électricité d'une turbine hydro électrique. Alors maintenant si ce n'est pas encore tout à fait l'Eden, c'est avec un peu plus de confort qu'on regarde passer les cargos entre les gouttes de pluies.
On ne sait pas si c'est parce qu'il a été défenseurs des indigènes, condamnateur des totalitarismes ou alpiniste que Pie XI (1857 - 1939) a donné son nom à un glacier, et pas n'importe lequel, le plus grand glacier du monde qui se jette dans la mer. Près de 4 kms de front et provenant de la gigantesque calotte sud patagonienne de plus de 13 000 km². Mais l'arrivée au pied, ou presque de ce monstre glacé c'est quelque chose, en plus il fait à peu près beau et nous nous faufilons difficilement au milieu des glaçons et icebergs de toutes tailles, un bloc d'une vingtaine de mètres de diamètre se retourne à notre passage à proximité et nous rappelle de toute la puissance de ces quelques centaines de tonnes qu'il faut contourner avec prudence ces écueils pas toujours inertes. Le glacier craque de toutes parts avec le bruit d'un orage dans le lointain et de temps en temps des morceaux énormes qui se détachent et provoquent des vagues dans toutes la baie. Vous savez ce que pense la mouche tombée dans le whisky au moment où ou l'on remue nonchalamment le verre pour faire fondre la glace ?
Seno Eyre, le vent se lève en quittant le mouillage près du glacier, vent arrière à fond la caisse avec des glaçons dans tous les sens, ça avait quelque chose de "Mario Kart", vous ne connaissez pas? faites vous expliquer par un jeune branché jeux vidéo, sauf que là, en cas de sortie de route il n'y a personne pour remettre en piste. Canal Wide, les montagnes défilent à plus de huit nœuds, et heureusement les abris sûrs sont légion pour nous offrir un peu de repos après une journée de près de 80 milles.
Canal Pitt, µla dépression se creuse encore, pas grave pour nous ça souffle dans le bon sens, et dans les canaux les vagues ne peuvent pas beaucoup se creuser. 7, 8, 9, 10 nœuds, yahoo! jusqu'à ce qu'on se retrouve le bateau en travers du vent, la voile à deux ris dans l'eau sans plus trop contrôler grand chose le temps d'enrouler le morceau de génois qu'il restait. Encore une bonne journée pour atteindre le seno Peel en fin d'après midi, le temps d'aller rendre une petite visite au glacier qui se déverse à quelques milles du mouillage et de prendre un bon repos dans la caleta Amalia.
Région de Puerto Natales |
Estero Peel. µLe lendemain, le vent a cessé et les glaces qui se sont accumulées près du glacier ces derniers jours envahissent le canal, la progression est lente au moteur. Nous voulons aller jusqu'au bout de l'estero Peel qui pénètre dans la cordillère au milieu de plusieurs glaciers. Mais en arrivant à moins de 4 milles du mouillage suivant, Caleta Pelagic, il nous devient très difficile d'avancer avec la glace de plus en plus dense, un coup de vent risque de plus de nous tomber dessus dans la nuit et nous ne voulons pas prendre le risque d'être complètement coincé avant d'avoir rejoint un abris sûr, aussi c'est un peu déçus que nous rebroussons chemin à toute vitesse pour pouvoir atteindre une baie protégée avant la nuit.
2/2/01 - Seno Montanas µ- Nous avons un peu d'avance sur l'arrivée d'Anne et en profitons pour explorer ce canal qu'on nous a dit joli, sur lequel nous n'avons aucune information et dont les cartes s'avèrent très erronées. Le canal est bordé par une chaîne de montagne coiffée d'une calotte glaciaire sur toute la longueur, et dans chaque vallée un glacier s'étire. Encore du grand spectacle. Mais la progression vers le nord est dure avec le vent qui s'engouffre en rafales qui soufflent les embruns en colonnes d'eau pulvérisée, dans ces conditions, même moteur à fond, il faut attendre la fin de la rafale pour reprendre le contrôle du bateau, et pendant plusieurs heures la vitesse oscille entre 1 et 3 nœuds. Dans un mouillage en compagnie de pêcheurs de moules, nous apprenons que la marée rouge n'a pas atteint cette zone et nous en profitons pour nous gaver de coquillages.
Histoire de pêcheurs de moules |
Nous aurons eu la chance de quelques éclaircies mais c'est encore un coin où la pluviométrie atteint les xxx mètres par an, ça coule partout, dehors, dedans par la condensation, le chauffage ne veut plus rien sécher et nous reprenons la route de Puerto Natales.